Vous êtes peut-être poli, respectueux et professionnel avec vos collègues, mais êtes-vous vraiment connecté à eux? Dans bien des milieux, une nouvelle norme s’installe : celle du « Colleague Zone ». Une posture où l’on reste en surface, où la courtoisie remplace la confiance, et où l’on évite les vraies conversations pour ne pas trop s’exposer.
Le problème? Cette zone de confort relationnelle, aussi rassurante soit-elle, érode lentement mais sûrement le climat de travail et la sécurité psychologique. Comme pour le «Friend Zone » qui n’est pas souhaité dans les relations affectives, le « Colleague Zone » porte aussi une connotation négative.
Le « Colleague Zone » n’est pas un conflit. Ce n’est même pas une tension. C’est plutôt un vide subtil : une manière de cohabiter professionnellement sans nourrir de véritables liens. On parle ici d’une attitude polie, fonctionnelle, mais émotionnellement distante. Les échanges restent factuels (small talk) sans implication émotive. Les collaborations sont transactionnelles, et les désaccords… évités à tout prix. Ce mode relationnel sécurise à court terme, mais nuit à long terme à la cohésion d’équipe.
Cordial – Relation polie, fonctionnelle, sans lien personnel
Interaction polie et fonctionnelle, sans engagement émotionnel. Les échanges sont limités aux tâches professionnelles et aux discussions d’usage (exemple : température, performance des Canadiens de Montréal).
Complice – Fondée sur la fiabilité, l’ouverture et le respect mutuel
Les collègues partagent ouvertement leurs idées et parlent de leurs émotions, expriment leurs préoccupations et se soutiennent mutuellement, favorisant un climat de sécurité psychologique.
Intime – Présence d’affection, complicité et proximité informelle.
Les interactions dépassent le cadre professionnel, incluant des discussions personnelles et des activités sociales en dehors du travail.
Fusionnelle – Connexion profonde, intime et durable
Une relation très étroite caractérisée par une confiance profonde, un soutien inconditionnel et une forte intimité émotionnelle.
L’objectif : pas nécessaire d’être ami au travail. Il s’agit d’évoluer vers une relation de confiance.
La sécurité psychologique, c’est la conviction qu’on peut s’exprimer sans crainte d’être jugé ou ostracisé. Elle repose sur des bases invisibles : l’écoute, l’ouverture, le respect, la reconnaissance mutuelle. Or, dans une équipe où chacun reste dans le « Colleague Zone », ces fondations ne se construisent pas. Les malaises s’accumulent, les non-dits s’installent.
Ultimement, les employés se sentent seuls et vivent de l’isolement au travail et les apprentissages collectifs s’effritent.
La responsabilité de bâtir cette sécurité est partagée. L’employeur peut créer un climat propice en instaurant des pratiques favorisant les échanges et la confiance. Mais il ne peut toutefois pas imposer des interactions authentiques. Aucune politique ne peut forcer les employés à partager ce qu’ils ont ressenti en fin de semaine. Entrer en relation est un choix personnel, un acte conscient qui engage la volonté et la disposition de chacun. Cela implique d’accepter de s’ouvrir et aux autres, de partager sincèrement ses états d’âmes et d’être vulnérable.
Un bon climat de travail ne se décrète pas : il se bâtit. Il émerge lorsque les employés se sentent vus, entendus et considérés. La confiance devient alors un moteur de collaboration, d’innovation et de résolution de problèmes. À l’inverse, un climat tiède et impersonnel freine l’engagement. Les employés ne se sentent pas en sécurité pour proposer, challenger ou même échouer. Résultat : une culture qui stagne, des talents qui se désengagent.
Selon la théorie de l’autodétermination, trois besoins fondamentaux nourrissent la motivation et le bien-être au travail : l’autonomie, la compétence et l’affiliation. Le « Colleague Zone » mine particulièrement ce dernier besoin. Lorsque les relations sont superficielles, que les liens sont distants, le sentiment d’appartenance fait du sur-place. Cela affecte directement la motivation des individus, leur engagement envers l’équipe, et leur satisfaction au travail.
Sortir du « Colleague Zone », c’est choisir d’être humain avant d’être uniquement fonctionnel. Voici quelques pistes concrètes :
Il n’est pas nécessaire d’être ami avec ses collègues pour bâtir un climat de confiance. Mais il est essentiel de quitter l’indifférence fonctionnelle pour s’investir dans des relations professionnelles authentiques. La sécurité psychologique n’est pas qu’un concept RH : c’est un levier fondamental pour le bien-être, la collaboration et la performance.
[Auteur(e)] Annie Boilard
Annie Boilard, BAA, MBA, M. Sc., CRHA, est présidente du Réseau Annie RH. Elle œuvre en formation (développement des compétences) depuis bientôt 20 ans. En plus d’être une professionnelle en ressources humaines et une animatrice séniore, elle est une entrepreneure et une gestionnaire d’entreprise (et d’équipe) expérimentée. Au quotidien, Annie travaille à titre de formatrice et de coach auprès de leaders et de professionnels afin de développer leurs compétences comportementales et leurs habiletés à travailler ensemble. Elle est également chroniqueuse sur 4 stations de radio hebdomadairement, conférencière, blogueuse, notamment pour Les Affaires et auteure. Elle est souvent interpellée à titre d’experte sur la vie au travail, le monde du travail, le leadership et la gestion des ressources humaines. |
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